L’adaptation des conditions générales après l’entrée en vigueur du livre 5 du Code civil

Droit de l'entreprise

Me Ludovic Marnette, avocat du barreau de Liège-Huy

La réforme du droit des contrats est en vigueur depuis le 1er janvier 2023. Elle a introduit d’importantes modifications dans le livre 5 du Code civil, particulièrement en ce qui concerne les conditions générales. Les changements ne s’appliquent qu’aux contrats conclus à partir du 1er janvier 2023. Les contrats existant avant cette date continueront d’être régis par les anciennes règles, sauf en cas d’accord explicite contraire.

Quels sont les impacts pratiques pour les entreprises ?

Les conditions générales

Conformément à l’article 5.23 du Code civil, pour intégrer les conditions générales dans un contrat, il est nécessaire que l’autre partie en ait pris connaissance ou en ait eu la possibilité.

En cas de conflit entre les conditions générales et les conditions négociées, le législateur suit la règle du « knock-out », ce qui signifie que ce sont les conditions négociées qui l’emportent. Le contrat demeure valide même en présence de conditions générales différentes, sauf si des clauses incompatibles existent.

À noter qu’il est possible pour les parties de déroger à cette règle : cela doit se faire en dehors des conditions générales, en stipulant expressément dans le contrat les modalités de gestion de conflits liées aux conditions générales. Une partie pourra, par exemple, déclarer qu’elle ne souhaite pas être liée par les conditions générales de l’autre partie contractante.

L’entrepreneur doit donc s’assurer de la cohérence des clauses afin d’éviter des contradictions.

Le changement de circonstances

L’article 5.74 du Code civil introduit la théorie de l’imprévision, comblant ainsi une lacune qui existait auparavant, sauf si les conditions incluaient la clause de « hardship ». Cette théorie s'applique lorsque l’apparition de nouvelles circonstances rend l’exécution des obligations contractuelles plus onéreuse sans pour autant la rendre impossible (ex. la pandémie de Covid-19).

Désormais, le débiteur peut solliciter la renégociation du contrat ou même sa résiliation dans de telles situations sans que cela doive être spécifié dans les conditions générales.

Les conditions d’application sont : un changement de circonstances qui rend excessivement onéreuse l'exécution du contrat de sorte qu'il ne soit plus raisonnable de l’exiger ; que ce changement soit imprévisible lors de la conclusion du contrat ; que ce changement ne soit pas imputable au débiteur ; que le débiteur n'ait pas assumé ce risque ; et que la loi ou le contrat n'exclut pas cette possibilité.

Si toutes ces conditions sont réunies et que les parties ne parviennent pas à trouver un accord, elles peuvent saisir le juge. Celui-ci peut décider de renégocier le contrat ou de le résilier avec effet rétroactif qui, au maximum, remonte à la date du changement de circonstances.

L’article 5.74 du Code civil est de nature supplétive, il est donc possible d’y déroger. Ainsi, pour maximiser la protection de ses intérêts, il est recommandé à l’entrepreneur de personnaliser la gestion de l’imprévision en ajoutant des clauses spécifiques dans ses conditions générales.

Les sanctions

Le livre 5 du Code civil permet, lorsqu’il est manifeste que le débiteur ne s’exécutera pas à l’échéance, l’application de la doctrine de l’« anticipatory breach ». Ainsi, lorsque le débiteur prévoit de ne pas respecter ses obligations à la date convenue, le contrat pourra être résolu. Toutefois, cette pratique est soumise à certaines conditions strictes.

Plutôt que d’envisager la résolution, l’entrepreneur peut, en cas d'inexécution imputable au débiteur :

  • remplacer le débiteur par un tiers en cas d’inexécution;
  • envisager l’exception d’inexécution et suspendre l’exécution de ses obligations;
  • en cas d’inexécution « minime » contractuelle, l’entrepreneur peut, par le biais d’une mise en demeure préalable, demander une réduction proportionnelle du prix. Elle sera calculée en fonction de la différence entre la valeur de la prestation reçue et la valeur de la prestation convenue. Cette faculté offre à l’entrepreneur une alternative aux coûteuses procédures judiciaires, à condition qu’il se conforme à l’article VI.91/5,1° du Code de droit économique (B2B).

Il faut préciser que ces sanctions sont supplétives, ce qui signifie que les parties sont libres de les personnaliser ou même de les exclure, à moins qu’elles ne se heurtent à des dispositions impératives ou d’ordre public.

Cette réforme renforce la sécurité juridique des parties, dans la mesure où elle opère essentiellement la codification de la jurisprudence et de la doctrine majoritaire. Vu la complexité législative et les nombreuses dispositions applicables, il est recommandé de solliciter l’expertise d’un avocat pour garantir leur conformité avec vos besoins spécifiques et la réglementation en vigueur.