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Distribuer des dividendes avec un précompte mobilier réduit ? Changements récents
Article rédigé par Me Catherine Simon Dubois et Me Jean-Luc Wuidard
Avocats au barreau de Liège-Huy
La loi-programme du 18 juillet 2025 du gouvernement « Arizona » a modifié les régimes permettant l’application d’un précompte mobilier réduit lors de la distribution de dividendes par les petites sociétés.
Rien de tel qu’un exemple concret et simplifié pour illustrer notre propos.
Illustration : exemple de la situation de Louis, actionnaire et administrateur unique d’une PME en cas de distribution de dividendes :
En janvier 2024, Louis a créé une SRL spécialisée dans la confection et la vente de macarons. Pour financer son projet, il apporte du capital en numéraire lors de la constitution de la société et reçoit des actions nominatives en échange de son apport.
En 2024, la SRL a réalisé un bénéfice de 1.000 € et décide de le distribuer intégralement sous forme de dividendes. Le montant distribuable après la charge de l’impôt des sociétés de 20 % est de 800 €.
En vertu des règles ordinaires, un précompte mobilier de 30 % est retenu par la société sur les dividendes bruts : le montant du dividende net est de 560 €.
Soucieux de réduire cette charge fiscale, Louis s’intéresse à deux régimes avantageux existants, mais pour lesquels des changements seront applicables dès le 1er janvier 2026 : le régime dit « VVPRbis » et le régime de la réserve de liquidation.
Le régime du « VVPRbis »
Lorsqu’une société éligible au régime distribue un dividende après un délai d’attente suffisamment long à compter de la date à laquelle a été effectuée l’augmentation de fonds propres en espèces, le taux du précompte mobilier applicable à ces dividendes peut être inférieur à 30 %.
Des conditions doivent être respectées pour pouvoir bénéficier de ce régime :
- Ce régime n’est applicable qu’aux dividendes attribués en rémunération d’apports effectués en numéraire depuis le 1er juillet 2013 ;
- La société distributrice doit être une « petite société » au sens de l’article 1:24 du Code des Sociétés et Associations (depuis les exercices d’imposition commençant après le 31 décembre 2024, l’on vise une société ayant un chiffre d’affaires inférieur à 11.250.000 €, comptant moins de 50 salariés et pour laquelle le montant total du bilan est inférieur à 6.000.000 € ;
- Le dividende doit rémunérer de nouveaux apports en numéraire ;
- Un délai minimal doit être respecté entre l’apport et la distribution du dividende.
Dans le régime actuel, pour les apports effectués jusqu’au 31 décembre 2025, le régime est le suivant :
Revenons à l’exemple ci-dessus d’un apport en fonds propres effectué en 2024 et avec un bénéfice en fin d’exercice qui est de 1.000 € (800 € après impôt des sociétés). La société souhaite distribuer l’intégralité à son actionnaire.
En cas de distribution après le 2ème exercice comptable suivant l’apport, le taux du précompte mobilier sur ces dividendes sera de 20 % et le dividende net sera de 640 €.
En cas de distribution après le 3ème exercice comptable suivant l’apport, le taux du précompte mobilier sur ces dividendes sera de 15 % et le dividende net sera de 680 €.
Pour les apports en numéraire effectués à partir du 1er janvier 2026 :
Pour un apport réalisé en 2026, un seul taux réduit de précompte mobilier subsiste désormais : le taux de 15 % applicable à partir du 3ème exercice comptable suivant celui de l’apport.
Le taux réduit de 20 % actuellement applicable en cas de distribution après le 2ème exercice suivant ne subsiste que pour les apports effectués jusqu’au 31 décembre 2025. Pour les apports après cette date, ce taux réduit VVPRBIS de 20 % est supprimé.
Le régime de la réserve de liquidation
Depuis plusieurs années, il existe pour les PME un régime fiscal spécifique en cas d’affectation des bénéfices à une réserve spéciale, la réserve de « liquidation ».
Chaque année, une société peut choisir de conserver son bénéfice ou de le distribuer. En cas de mise en réserve, une option intéressante consiste à affecter tout ou partie du bénéfice annuel une réserve spécifique, la « réserve de liquidation ».
Des conditions doivent être respectées par la société PME pour appliquer ce régime :
- La société distributrice doit être une « petite société » ;
- La réserve doit être comptabilisée sur un compte distinct du passif ;
- La société devra supporter la charge fiscale supplémentaire lors de l’affectation des bénéfices à la réserve de liquidation ; cette charge prend la forme d’une cotisation distincte à l’impôt des sociétés de 10 % et enrôlée en même temps que l’impôt des sociétés ;
- Le régime ne peut s’appliquer qu’aux bénéfices réalisés durant l’exercice comptable concerné.
Dans le régime actuel, pour les réserves de liquidation constituées jusqu’au 31 décembre 2025, le régime est le suivant :
Lors de la clôture des comptes de l’année 2024, la SRL de Louis décide d’affecter son bénéfice net de 800 € après impôt des sociétés réduit à la réserve de liquidation. Une cotisation distincte de 10 % (à calculer « en-dedans ») est due, le montant final, après ponction de la cotisation distincte, affecté à cette réserve de liquidation sera de 727,27 € (727,27 € x 10 % =72,73 €).
En cas de distribution par prélèvement sur cette réserve après le 1er janvier 2030, soit 5 ans après la constitution de la réserve de liquidation, la société procèdera à la retenue d’un précompte mobilier au taux réduit de 5 % ; ceci aboutit à laisser en mains de l’actionnaire, dans notre exemple, un montant net de 690,91 € [soit 727,27 € moins 5 % :36,36 €].
Le régime actuel aboutit donc à une taxation effective de l’ordre de 13,64 % après l’impôt des sociétés (hors cotisation distincte) (72,73 € de cotisation distincte et 36,36 € de précompte mobilier, 109,09 €)
En cas de liquidation de la société, aucun précompte mobilier ne sera d’application lors des prélèvements effectués sur ces réserves de liquidation, même si la liquidation survient au cours de l’exercice qui suit immédiatement celui de l’affectation à la réserve - sauf simulation ou abus fiscal. Dans ce cas, la pression fiscale effective après impôt des sociétés (hors cotisation distincte) ne s’élève à qu’à environ 9,09 %.
Dans le nouveau régime, pour les réserves de liquidation constituées à partir du 1er janvier 2026, la situation sera la suivante :
Les modifications prévoient l’application d’un taux de précompte mobilier réduit non plus de 5 % après 5 ans, mais de 6,5% en cas de prélèvement après 3 ans.
Les sociétés pourront aussi choisir d’appliquer ces nouvelles règles aux réserves déjà constituées avant 2026 en les distribuant après 3 ans et en acceptant la retenue d’un précompte mobilier de 6,5 %. La charge fiscale effective dans ce cas sera donc de 15 % (et non plus de 13,64 %) après l’impôt des sociétés (hors cotisation distincte).
Le délai réduit à 3 ans et le taux réduit de 6,5 % s’appliquent aux dividendes attribués ou mis en paiement à partir du 29 juillet 2025.
En revanche, lorsque la société distribuera par prélèvement sur les réserves de liquidation sans respecter le délai d’attente de 3 ans, elle devra supporter un précompte mobilier de 30% (et non plus de 20%), ce qui porte dans ce cas, la charge fiscale s’élèvera alors à 36,36% après impôt des sociétés (hors cotisation distincte).
L’absence de toute retenue de précompte mobilier en cas de prélèvement sur ces réserves en cas de liquidation de la société est cependant bel et bien maintenue.
Conclusion
Les modifications introduites par la loi-programme du 18 juillet 2025 ont pour conséquences d’harmoniser les régimes du VVPRbis et de la réserve de liquidation : le taux effectif de taxation après impôt des sociétés (hors cotisation distincte) sera désormais de 15% pour les deux régimes (contre 15% et 13,64% dans le régime actuel) et la période pour pouvoir bénéficier de ce taux réduit est alignée à une durée 3 ans.