Le bail commercial

Bref récapitulatif de quelques principes généraux

 

Mes François Dembour et Alexandru Lazar, avocats au barreau de Liège

 

1. Bref rappel des origines de la loi sur le bail commercial

 

La Haye et Vankerckhove (« Les baux commerciaux, extrait des Novelles, Bruxelles, Larcier, 1970, p.1, n° 1348) :

 

« La loi sur les baux commerciaux du 30/04/1951 serait née à la demande des commerçants qui étaient précédemment exposés à devoir abandonner, sans indemnité, à la fin du travail, la valeur de leur fonds de commerce et partant, le fruit d’années de travail (…).

 

Le développement du commerce et de l’industrie, et la concurrence de plus en plus intense, réclamait l’abolition d’un système donnant lieu à l’injustice ; car il permettait au bailleur de se rendre maître du fonds, tout au moins de la clientèle, après le départ du locataire. Il lui était loisible, sans bourse délier de s’installer lui-même et de profiter des efforts du preneur évincé, soit encore de favoriser l’action d’un concurrent, moyennant compensations financières ».

 

Le but de la loi était donc de protéger le commerçant de la spéculation et surtout de l’éviction de son commerce par un bailleur qui désirait s’y installer sans délier sa bourse.

 

Malgré son ancienneté, cette loi - qui date donc de 63 ans – n’a jamais fait l’objet de modifications majeures [1] car y toucher s’avérait et s’avère toujours très délicat : la plus grande critique faite à l’égard de cette loi est son formalisme excessif.

 

La loi spéciale du 06/01/2014 relative à la structure fédérale de notre Etat, publiée au Moniteur belge du 31/01/2014 prévoit en son article 17, al.7, que seront régionalisées les règles spécifiques concernant le bail commercial.

 

 

2. Quelques caractéristiques de la loi sur le bail commercial

 

 

L’impérativité

 

Les dispositions de la loi du 30/04/1951 sur les baux commerciaux ne sont pas d’ordre public mais de droit impératif. Le juge ne peut soulever d’office la nullité des conventions contraires à la loi sur les baux commerciaux. Ces nullités peuvent donc être couvertes.

 

« Toutes les dispositions de la loi sont, en principe, impératives, les parties ne pouvant y déroger que lorsque cette faculté leur est expressément ou implicitement reconnue.

Il en résulte qu’il faut appliquer la loi, et non les accords contestés, chaque fois que le texte légal, la combinaison des textes ou l’esprit de la loi ne permet pas la convention contraire.

Seule la partie protégée par la sanction de nullité attachée à la violation d’une disposition légale peut s’en prévaloir : certaines dispositions protègent uniquement le preneur, tandis que d’autres articles protègent exclusivement le bailleur : enfin, d’autres dispositions protègent les deux parties ». [2]

 

Baux concernés par la loi

 

L’article 1 de la loi sur les baux commerciaux :

 

« Tombent sous l’application de la présente section les baux d’immeuble ou de parties d’immeuble qui, soit de manière expresse ou tacite dès l’entrée en jouissance du preneur, soit de l’accord exprès des parties en cours de bail, sont affectés principalement par le preneur ou par un sous-locataire à l’exercice d’un commerce de détail ou à l’activité d’un artisan directement en contact avec le public ».

 

Jugement du Tribunal de Commerce de Liège du 26/03/2010 [3] 

 

« S’il y a incompatibilité entre bail commercial et commerce ambulant, le fait que l’exploitant ne dispose pas d’une carte de commerçant ambulant n’implique pas ipso facto que les conventions doivent être requalifiées en bail commercial.

En effet, une des conditions essentielles de l’existence d’un bail commercial est qu’il doit avoir pour objet un immeuble ou une partie d’immeuble.

Or, en l’espèce, l’intimée met à disposition un emplacement, une surface au sol, sur laquelle l’appelant dépose son stand qui est lui-même en matériaux légers, démontables et remontables  en une journée.

Le stand n’a aucun caractère de fixité, d’encrage, d’incorporation au sol.

Par conséquent, une des conditions essentielles pour qu’il y ait bail commercial n’est pas remplie : l’appelant occupe les lieux sous le bénéfice d’une convention d’occupation à titre précaire ».

 

Exemples de locations non commerciales

 

Ne sont pas considérés comme commerces ou commerces de détail :

  • Les bureaux d’architecte
  • Les cabinets de médecin et de dentiste
  • Les professions libérales en général
  • Les entreprises d’assurance et succursale
  • Les agences matrimoniales
  • Les agences publicitaires
  • Etc…

 

 

L’occupation à titre précaire

 

Jugement du 22/10/2008 du Juge de Paix du 4ème canton de Liège [4]

 

« La demanderesse met à disposition de la défenderesse un emplacement au centre commercial BELLE-ILE. La convention d’une courte durée est renouvelée à plusieurs reprises et est qualifiée de « convention temporaire d’exploitation ».

Alors que la demanderesse soutient que la défenderesse occupe l’emplacement à titre précaire, ce qui exclut l’existence d’un bail commercial, la défenderesse allègue que les conventions  successives de mise à disposition ne sont qu’un moyen grossier conçu pour échapper à l’application de la loi sur les baux commerciaux.

L’article 1 de cette convention stipule que le concessionnaire, soit la défenderesse, reconnaît avoir été avisé de la précarité de la présente concession laquelle n’est en aucun cas assimilable à un bail et a fortiori à un bail commercial.

La contrepartie de cette concession est une redevance à charge du concessionnaire.

Il y a une occupation précaire et non bail commercial lorsque le propriétaire concède la jouissance d’un bien pour une durée très courte et se réserve le droit de disposer à tout moment de la chose : c’est le cas en l’espèce.

Il ne suffit pas aux parties de qualifier leur convention de convention de mise à disposition ou de concession temporaire d’exploitation pour échapper à l’application de la loi sur  les baux commerciaux ».

 

Modifications récentes :

- la loi du 21/12/2013

 

La loi du 21/12/2013 portant des dispositions fiscales et financières diverses [5] modifie l’article 1714 du CC [6] en ce sens qu’il est complété par trois alinéas visant à une meilleure identification des parties.

 

Ces nouvelles dispositions s’appliquent notamment aux baux commerciaux.

 

Concrètement, qu’est-ce-que cela signifie ?

 

Les parties ont l’obligation d’identification lors de la rédaction du contrat de bail : certaines mentions concernant les parties sont devenues obligatoires :

 

Pour les personnes physiques, il y a lieu d’indiquer dans le bail pour chacune des parties :

  • Le nom

  • Le premier et le deuxième prénom

  • Le domicile

  • La date et le lieu de naissance

 

Pour les personnes morales, (société, association et autres), la loi demande d’indiquer le nom de la société (idéalement sa dénomination sociale telle que précisée dans les statuts) et le numéro d’inscription à la Banque Carrefour des Entreprises (BCE).

 

 

- Le décret du 15/03/18

Le décret Wallon du 15/03/18 relatif au bail commercial de courte durée a créé, aux côtés de la loi fédérale du 30/04/1951 sur les baux commerciaux, un nouveau type de bail avec un régime propre : le bail commercial de courte durée.

 

Il a également apporté de légères modifications à la loi du 30/04/1951 (voir les articles 12 à 14 du décret). La résiliation amiable du bail commercial doit désormais être constatée dans un acte écrit présenté à l'enregistrement, tout comme la renonciation du preneur à son droit au renouvellement.

 

La loi fédérale reste inchangée pour le suprlus mais ne s'applique donc pas aux baux commerciaux conclus par écrit, pour une durée égale à ou inférieure à un an, lesquels sont régis par les dispositions du décret.

 

 

Contrat de bail commercial suggéré par le barreau de Liège

 


[1] Des modifications ont été apportées par les lois des 29/06/1955 et 27/03/1970

[2] Cass.,10/06/1954, Pas., I, p.859 ; J.P., p.515 ; Les Novelles, les baux commerciaux, Tome VI, 2, n°1373, p12 ; Cass.,14/01/1965, JT., p.551 ;  Cass., 18/04/1975, Bul., 1975, p.916

[3] Com. Liège, 26/03/2010, Inédit

[4] J.P. Liège, 4ème canton, 22/10/2008, Inédit

[5] M.B. 31/12/2013

[6] Article 1714 du Code Civil : « Sauf dispositions légales contraires, on peut louer ou par écrit ou verbalement »

 

Octobre 2018